Photographier la Lune en... 1858 !

Publié le 10 décembre 2020 par Alexandre

Warren de la Rue. Ce nom ne vous dit peut être rien mais il fut l’un des pionniers de la photographie astronomique ! Imaginez, nous sommes au milieu du XIXème siècle, plusieurs personnes et sociétés humaines ont déjà imaginé ou étudié la Lune... Pour ne citer qu’une poignée : la mythologie grecque, Galilée ou encore Linné… Notre satellite naturel fascine depuis des milliers d’années. Cependant il fallait attendre 1858 pour avoir un premier cliché d’une qualité supérieure.

Qui était Warren de la Rue ?

Membre de la Royal Society de Londres, de la Rue était un chimiste, astronome et photographe britannique. Né en 1815, il entreprend des études de chimie à Paris. Fils d’un entrepreneur de fabrique de papier et d’imprimerie, il s'intéresse de très près aux méthodes de prise photographique. Récompensé plusieurs fois pour ses travaux et ses recherches en tant que grand sélénographe, son nom a même été donné en 1935 à un cratère lunaire.

Comment a-t-il pu photographier la Lune avec une aussi bonne qualité ?

L’histoire veut qu'au cours de l’Exposition universelle de 1851 à Londres, Warren de la Rue se soit émerveillé à la vue d’une photographie prise par un astronome américain. Cette photographie montrait partiellement la Lune. Il décida alors d’améliorer le procédé de captation afin d’obtenir un meilleur résultat.

C’est par plusieurs procédés chimiques et télescopes de sa fabrication qu’il réussit en 1858 à prendre plusieurs photographies remarquables laissant apparaître très clairement la surface lunaire. Ses clichés furent grande impression pour l’époque. On peut même y distinguer plusieurs cratères ! Aucune personne n’a pu auparavant obtenir un tel résultat.

Clichés pris par Warren de la Rue en 1858, stéréoscopique sur verre, Smith Beck&Beck

Une photographie de la Lune prise au XXIème siècle

La différence entre ces photographies est presque imperceptible ! Cela montre la qualité du travail et des méthodes utilisées par de la Rue.

La stéréoscopique sur verre, support des premières photos lunaires, est un procédé de vue en relief généré par deux images. Les appareils stéréoscopiques, dits aussi “jumelles stéréoscopiques”, permettent de visualiser deux images de façon synchronisée. Ancêtre de la 3D moderne, ces appareils ont été créés au milieu du XIXème siècle. Warren de la Rue fit imprimer ses clichés sur papier stéréoscopique. On pouvait alors contempler la Lune en relief.

Baudry Isographe, appareil stéréoscopique de 1945, photo de Claude Franck

Plusieurs autres clichés lunaires ont été pris avec des procédés améliorés de captation et de conservation dès 1872. Warren de la Rue a par ailleurs eu l’occasion de photographier la grande éclipse solaire totale du 18 juillet 1860 visible au nord de l’Espagne.

Je vous invite à consulter certaines photographies prises par de la Rue.

En me documentant pour cet article, je n’ai pu trouver que quelques-uns des clichés imprimés originaux répartis entre plusieurs musées du monde : au National Gallery of Art de Washington ou encore au Rijksmuseum d’Amsterdam. Je pense que les autres clichés ont trouvé repos parmi des collections privées. Même si ces photographies sont conservées à l’abri des regards, la Lune restera, quant à elle, toujours à notre portée.

Sources

Delmotte, G, La Lune est-elle un Astre Mort ?, Journal Ciel et Terre, Volume 40, 1924, http://adsabs.harvard.edu/full/1924C%26T....40..123D

Photographie originale de Warren de la Rue, imprimée par Smith Beck & Beck, https://www.nga.gov/collection/art-object-page.136358.html

Sélection de photographies lunaires de Warren de la Rue https://www.antiq-photo.com/collections/musee/sciences-et-techniques/warren-de-la-rue-lunar-photographs-2/

Baudry Isographe, appareil stéréoscopique de 1945, photo de Claude Franck, Collectionneur & Chineur, n°329, p. 53