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La dématérialisation de tous nos objets physiques - Partie 2/2

Publié le par Alexandre


Notre quotidien est parsemé d’actions numériques de notre part. Les gestes simples que l’on effectue quotidiennement ont évolué avec la croissance de la technologie. Les outils utilisés au début du 20ème siècle ont été transformés drastiquement. Aujourd’hui la norme est à la dématérialisation. La finalité des choses qui nous entourent est par défaut sous format numérique. Nos musiques, nos films, nos documents et bien d’autres encore ont basculé de ce côté. Cependant est-ce que les objets sous format dématérialisé sont équivalents en tout point avec ceux physiques ?

La dématérialisation de notre quotidien

1) Définitions

A quoi correspond un objet dématérialisé ?

Mettons au clair ce que l’on désigne par “objet dématérialisé”. La dématérialisation d’un objet caractérise tout fichier numérique produit et distribué électroniquement pour sa première forme. Un fichier audio sur son ordinateur, un fichier audio acheté et consultable sur iTunes et un fichier musical sur Spotify correspondent à la notion d’objets dématérialisés. Dans la continuité, nous retrouvons aussi les livres audio achetés via des plateformes, nos correspondances avec nos emails, nos messages, photos et vidéos sur les réseaux sociaux. Notre vie administrative se retrouve aussi dans la notion de dématérialisation. En somme, tout ce qu’on retrouve sur notre ordinateur est un objet dématérialisé.

“Dématérialiser et numériser ne sont pas identiques”

Stéphanie Renard1, Maître de conférences en droit public, donne une définition de la notion de dématérialisation : “La dématérialisation désigne l’ensemble des techniques permettant de remplacer l’écrit tangible, sur support papier, par un écrit numérique, sur support électronique. [...] L’opération passe par la production d’originaux électroniques”. La forme première du document est la dématérialisation. Le document a pour vocation d’être utilisé principalement par cette voie. La dématérialisation d’un document ou d’un processus n’est pas le fait de retranscrire à l’exact identique ce dit document. Il s’agit de reproduire les procédés utilisés dans la vraie vie en version numérique. Ce sont les méthodes qui basculent vers le monde numérique et non les documents en eux-mêmes.

Stéphanie Renard ajoute que la “dématérialisation désigne les documents qui circulent sous forme exclusivement électronique”. Contrairement à la “numérisation qui désigne la transformation de documents papiers en documents électroniques, le plus souvent par le biais d’un scanner”. Dématérialiser et numériser ne sont pas identiques. Un document numérisé sera identique à son original réel. Par exemple, les procédés d’archivage utilisent la numérisation comme un outil. On ne peut pas parler de dématérialisation de documents dans ce cas là parce que l’archivage récupère les originaux pour les stocker.

Du papier au 100% numérique

Du papier au 100% numérique

Pour citer d’autres exemples, nous vivons la dématérialisation dans notre quotidien depuis le début du XXIème siècle avec le métropolitain parisien. Pendant plus d’un siècle le ticket était l’unique titre de transport que possédaient les voyageurs. En 2001, la RATP lança le Pass Navigo. La dématérialisation du ticket était née. La carte du métro Navigo est bien une dématérialisation car les tickets sont uniquement vendus et utilisés avec un support électronique. Chaque voyage n’est plus caractérisé par un ticket physique.

La dématérialisation est aussi présente lors de nos achats quotidiens et anodins. Qu’ils soient en ligne ou non, nos achats s’inscrivent dans une mécanique du tout numérique propulsée par les banques et le paiement avec la carte bancaire. L’argent circule majoritairement sous forme numérique. L’argent se dématérialise. Jeremy Rifkin2, dans son ouvrage L’âge de l’accès, nous explique que pendant très longtemps, la monnaie d’échange variait entre les régions du monde mais qu’elle s’apparentait toujours à quelque chose de “solide et volumineux” (le cuivre, l’argent, l’or, le bétail…). L’argent devient de plus en plus “mobile et immatériel”. Les politiques américaines des années 70 ont permis de mettre fin à l’alliance entre métaux précieux et dollar pour ainsi désindexer le dollar de l’or. La suite logique, avec l’essor technologique, a voulu rendre 100% immatériel et numérique nos transactions monétaires (transferts, cartes à puces et monnaies numériques).

L’univers des jeux d’argent n’est pas en reste non plus. La Française des jeux (FDJ) s’occupe de l’organisation du Loto et de tout autre jeu de hasard en France. Nous retrouvons les mêmes jeux en ligne. Le ticket à gratter dématérialisé possède les mêmes caractéristiques qu’un vrai tangible.

Poste de télévision

En 2011, les chaînes de TV analogiques françaises ont été remplacées par le signal numérique, Archives DL/M.T.

Le service postal historique français, La Poste, a lancé en 2014 l’offre, Imprimez, c'est timbré ! Un service en ligne permettant aux particuliers et aux entreprises de payer et d’imprimer leurs timbres postaux chez eux, sans avoir à affranchir leurs lettres en bureau de poste. Un peu plus tard, La Poste lança aussi la possibilité de créer son propre timbre : le personnaliser avec une photo, un texte ou un dessin. La Poste digitalise ses services dans un monde avec une croissance au tout numérique.

Si nous pensons au mot “timbre”, nous imaginons tout de suite un timbre classique, que l’on accole sur une carte postale ou une enveloppe. Mais cette démarche se dissipe petit à petit. Toutes les lettres officielles que nous recevons ne comportent déjà plus de timbres dits “traditionnels”. Un code barre les a remplacés depuis longtemps. Par ailleurs, les bureaux de poste nous offrent un service d’achat de timbre adapté en fonction du support de l’envoi, de son poids, de sa destination, de sa priorité de voyage… Par conséquent, nous même nous utilisons plus de timbres “traditionnels” pour affranchir nos envois.

Nos méthodes d’organisation et de classement sont aussi utilisées dans le numérique

Depuis l’invention des procédés d’imprimerie, la propagation du savoir n’a cessé de s’accroître. De plus en plus de contenus sont créés chaque jour dans l’ensemble des domaines. La mise en place accrue des bibliothèques au sein de l'Europe au cours du XVIIème siècle a été le tournant concernant leur organisation. Face à cette multitude d’ouvrages traitant de beaucoup de sujets, une organisation au sein des bibliothèques devait se réaliser. Plusieurs méthodes de classement ont vu le jour afin d’organiser de manière optimale ces grands lieux de savoirs.

Un bibliothécaire nommé Melvil Dewey proposa en 1876 un système visant à classer les ouvrages d’une bibliothèque. Ce type de classement est toujours utilisé de nos jours et s’intitule la classification Dewey. Elle permet au lecteur de retrouver les documents dans une bibliothèque. Constituée de chiffre décimal, cette classification se veut universelle et thématique. Elle permet notamment de regrouper les documents par domaine de connaissance. Elle s’applique à l’ensemble du savoir humain.

Le web n’a pas réinventé la roue. Lorsqu’il fut créé en 1990, le web s’est vu petit à petit compléter pour devenir une immense base de données dont il était compliqué de s’y retrouver. L’analogie du web et de la bibliothèque est tout à fait juste. Tout comme une bibliothèque, l’internaute se retrouve face à cette multitude d’informations et de pages web. C’est alors que les annuaires et moteurs de recherche sont nés. Les internautes pouvaient accéder à des sites web selon une recherche. Le fonctionnement de l’annuaire était semblable à celui d’un annuaire téléphonique physique. Une sélection et un recensement manuel étaient réalisés. L’architecture des annuaires était hiérarchique. La classification se faisait par domaine, catégories et sous-catégories. Tout comme pour la classification Dewey. Les annuaires en ligne (objets dématérialisés) utilisaient les mêmes systèmes de classification qui organisaient les bibliothèques.

Les moteurs de recherches ont ensuite suivi. Les résultats étaient issus d’une recherche par mot clé de l’internaute. Non plus formés sous forme d’annuaire, les résultats de recherche sont classés en fonction de leur popularité. Le besoin de l’internaute est le premier critère pris en compte par les moteurs de recherche. Il est important de fournir un résultat dit de “qualité” de part son contenu et sa popularité. L’indexation sur le web était née. Les moteurs de recherches vont parcourir le web et récupérer les différents liens de site. Ces liens seront ensuite affichés à l’internaute lors d’une recherche.

Elie Francis et Odile Quesnel3 expliquent que l’homme a “toujours utilisé des systèmes de classification dans les divers domaines de la connaissance”. Le web doit utiliser les techniques documentaires des bibliothèques. Le nombre d’informations et de documents accessibles numériquement croît de jour en jour.

2) Quels impacts ?

Les bienfaits économiques

Quels sont les différents impacts de cette présence du numérique et notamment de la dématérialisation à tous les coins de rues ? Économiser est-il le maître mot qui guide ce changement ? Nous allons nous interroger sur la motivation de ce grand passage à la dématérialisation. A qui cela profite ?

Prenons comme exemple la dématérialisation de nos procédures administratives. Les supports d’information ainsi que la gestion administrative sont de plus en plus présents sous forme dématérialisée dans nos démarches avec l’Etat. La dématérialisation de l’ensemble des procédures s’inscrit dans un souhait bien plus grand que d’améliorer et d’accélérer les processus pour les citoyens. Cette transition numérique est accompagnée de la motivation forte et principale de baisse des dépenses publiques. Par ailleurs, Stéphanie Renard indique aussi que “la dématérialisation n’apparaît pas comme une fin en soi mais comme un outil pour une meilleure efficience de l’action publique”. La dématérialisation a donc deux objectifs : dépenser moins d’argent tout en améliorant les processus du service public.

Changeons de domaine et prenons maintenant le cas de l’industrie musicale. Spotify (pour ne citer que lui) offre un service de streaming audio à tous leurs abonnés. Avec plus de 100 millions d’utilisateurs, l’entreprise a engendré un bénéfice de 94 millions de dollars en 2018. Pourtant, il ne vend aucun support physique (Vinyle ou CD). Ce qui constituait la marge principale des revenus d’une entreprise musicale n’existe presque plus aujourd’hui. Spotify ne possède aucun stock pour vendre sa musique. La suppression des stocks dûe à la dématérialisation de la musique permet d’augmenter les bénéfices d’un produit (ici la musique) tout en diminuant les coûts fixes liés à la possession et à la gestion d’un stock.

Déjà en 1999, les labels de musique Sony Entertainment et Universal Music commençaient à diffuser leurs musiques sous format dématérialisé et numérique. Les musiques pouvaient être écoutées avec les lecteurs audio intégrés aux systèmes d’exploitation des ordinateurs. Toujours selon Stéphanie Renard, “en 2004, soit 5 ans après, le chiffre d'affaires de la diffusion numérique de musique représentait 8% du total de ventes de musiques dans le monde”. Ce basculement du côté numérique a été accompagné de la motivation de se débarrasser de ses stocks. Les compagnies de disques ont pu s’affranchir “de leurs fournisseurs, de leurs stocks, de leurs inventaires, de leurs distributeurs et de leurs transporteurs”. En éliminant ces coûts fixes considérables, les compagnies de disques ont pu augmenter leurs marges sur les ventes grâce à la diffusion en illimité de leurs contenus.

Jeremy Rifkin explique que le “coût de production et de la distribution” pour chaque nouvelle musique vendue au format dématérialisé est proche de zéro. Le fichier audio peut être duplicable à l’infini par son propriétaire sans coût supplémentaire. Le coût de production est proche de zéro car cela ne coûte rien de réaliser 1000 copies d’un fichier numérique. Sans “coûts de gestion d’actifs matériels, de stocks volumineux ou de propriétés immobilières”, la dématérialisation offre une économie considérable dans le processus de vente d’un bien. Ce principe peut être décliné à tout type de domaine. La dématérialisation supprime les stocks volumineux qui étaient sources de dépenses considérables.

Pour conclure…

Nous avons vu que les caractéristiques principales de nombreux objets physiques correspondent en tout point aux objets dématérialisés. Pour qu’un objet dématérialisé ait une valeur juridique, celui-ci doit posséder les mêmes aspects, peu importe la forme qu’il prend. C’est ici que se termine cette série sur le thème de la dématérialisation de nos objets grâce au numérique ! :) Vous pouvez compléter votre lecture avec le premier article “Serons-nous toujours considérés comme de vrais collectionneurs ? - Partie 1/2

Bibliographie & sources

Photo de couverture : Markus Spiske, https://www.pexels.com/fr-fr/photo/travailler-motif-internet-abstrait-1089438/

1. RENARD Stéphanie, La dématérialisation des procédures administratives, Mare & Martin, 2017

2. RIFKIN Jeremy, The Age Of Access: The New Culture of Hypercapitalism, Where All of Life is a Paid-For Experience, Putnam Publishing Group, 2000

3. FRANCIS Elie & QUESNEL Odile, Indexation collaborative et folksonomies, A.D.B.S., 2007



Commentaires

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Jean53, le 29 novembre 2020

Super... merci pour ce partage.

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